Lydie PALARIC VIGNAU
Christophe Doucet, artiste forestier
2014
Christophe Doucet, artiste forestier
Après le lycée agricole et l'École des beaux-arts, Christophe Doucet revient chez lui, dans les Landes et devient forestier. Il repère les parcelles, il trace, marque et réalise au quotidien les travaux d'entretien et d'aménagement des massifs forestiers.
Sa démarche d'artiste s'inspire de ces préoccupations : « Forcement si j'avais été chauffeur de taxi je ne travaillerais pas sur les mêmes questions, encore que cela ne soit pas si sûr... Je ne crois pas que j'étais un très bon professionnel, c'était plutôt une stratégie de survie qui a l'avantage de l'exotisme mais l'inconvénient d'une très grande solitude. On a l'habitude de dire qu'un travail artistique se mûrit seul, peut-être, mais que c'est dur... L'avantage du travail de forestier, c'était ma très grande autonomie et un rapport aux arbres. Je ne parle pas de rapport à la Nature, car comme Bruno Latour l'écrit, la Nature est une invention des modernes, elle n'existe pas en soi. Ce travail de forestier m'a permis de courir la lande comme un chien fou, ivre. C'est une sensation sublime. »
Aujourd'hui Christophe n'est plus forestier et se consacre entièrement à son travail artistique, mais il n'est pas de ceux qui se disent "artiste plasticien" comme cela se fait aujourd'hui, non : Christophe est sculpteur, et tient à ce terme. Il joue avec les matériaux, l'espace réel et imaginaire, se réapproprie des formes issues de la vie quotidienne mais également les éléments symboliques. Il s'enrichit de différentes cultures et pays qu'il a la chance de visiter pour ses projets. Une confrontation entre ici et ailleurs qui lui donne un regard plus perspicace :
« Chaque personne qui fait un voyage en Asie a cette intuition d'un autre rapport à Nature, qui ne serait plus dualiste mais moniste. On n'est plus devant la Nature mais dedans. Et du coup, la notion de nature élaborée dans un rapport frontal n'existe plus. Ce paradoxe est perceptible devant le paysage des Landes qui a l'air naturel mais qui est pourtant entièrement fabriqué. »
Ainsi, tout en jouant sur les paradoxes, il réalise des œuvres qui en imposent et qui parlent de lui de son territoire et de ses Landes.
L'ensemble de son œuvre peut se lire comme un autoportrait, généreux, humble , rempli de sagesse, et terriblement efficace. Dans l'arène des artistes et la course à la reconnaissance, ce n'est pas lui qui fera le premier·pas et se mettra en avant. La qualité de son œuvre parle pour lui et le place au rang des artistes les plus importants de sa génération. Mais en a-t-il conscience ?
C'est une personnalité à part, d'une grande pudeur, dont les qualités font de lui l'une des personnalités remarquables de ce territoire et bien au-delà.
Une de ses œuvres est visible sur le Parc à Brocas-les-Forges où il a installé en 2013 « Sauveté de Garbachet », dans le cadre du projet artistique de la Forêt d'Art Contemporain.
Lydie PALARIC VIGNAU in JDP, Journal du Parc # 59, printemps 2014